Dans ses pages internationales, le journal Le Monde publie de plus en plus d'images accompagnées d'un court texte pour illustrer divers événements. Souvent ce sont des images qui proviennent d'endroit où il y a peu de journalistes, de correspondants, où il est difficile d'accéder.
L'Irak est un de ces lieux où il y a peu de journalistes occidentaux. Les photographies en particulier sont prises par des habitants du pays lui-même (puisqu'un photographe sera toujours plus exposé qu'un journaliste qui écrit, ce premier ne peut pas rester caché).
Cette "photo légendée" provient donc d'Irak. Son titre est Pèlerinage Chiite à Bagdad sous très haute surveillance.
Pour montrer ce pèlerinage, le photographe, Wissam al-Okaili de l'AFP, a fait le choix intéressant d'une position en hauteur. Cela permet à la fois de mesurer la foule et de contextualiser l'événement : on voit les immeubles alentour et surtout les hauts murs de béton qui entourent la route.
A ces éléments qui montrent le pèlerinage en lui-même vient s'ajouter la deuxième partie du titre (et donc du message quand les choses sont bien faites) : la très haute surveillance. C'est là que le message devient un peu plus compliqué dans cette image, ou en tout cas qu'elle contient plus que son simple titre.
Ce qui représente la surveillance, c'est une grosse mitrailleuse au premier plan. Très proche du photographe (et donc de nous), elle est un peu floue. Elle bouche près d'un tiers de l'image ce qui au niveau de la composition est judicieux et évident, on fait forcément le lien entre cette arme et la foule en marche (d'autant plus que le canon pointe vers cette foule, par les jeux de l'optique, il est presque posé sur elle). Mais ici, ce qui représente la surveillance pourrait presque aussi bien représenter le danger.
Bien sûr, s'il y a surveillance, c'est qu'il y a un danger quelque part. Mais comment être sûr, à propos de cette mitraileuse au premier plan, avec son gros tas de balles floues mais chargées, enclenchées, qu'elle n'est pas elle-même le danger. Sa position serait idéale.
Ainsi cette image va plus loin que si elle avait été prise du sol par exemple. Même avec un soldat portant une arme, elle aurait sûrement eu l'air moins dangereuse que cette mittrailleuse "posée" sur ces gens qui ne s'en rendent même pas compte. Le photographe montre tout le risque qui pèse sur ces pèlerins... comme une mitrailleuse au dessus de leur tête.
Wissam al-Okaili / AFP, Le Monde daté samedi 11 août 2007
Cette photographie est issue d'une parution de presse, sa diffusion ici l'est à titre d'information et d'explication sur sa signification. L'auteur de ce blog tient à marquer son attachement au droit d'auteur.