Pendant ma formation au CFJ, je me suis disputé avec certains de mes formateurs qui voulaient à tout prix nous inculquer les bienfaits du journalisme participatif. Sans entrer dans les détails, je trouvais leur vision beaucoup trop éloignée de l'intérêt qu'il y a dans ce métier à aller sur terrain chercher des informations, et eux me reprochaient mon "idéalisation" de ce métier.
Qu'ils se rassurent, je n'ai certainement pas rangé mon idéalisme au placard et je continuerai à mordre ceux qui me diront que le reportage (multimédia ou pas) n'a plus d'avenir. Mais l'expérience d'Africascopie m'a fait revoir certains a priori sur le "participatif".
Le participatif en reportage
Africascopie a été conçu comme un blog de reportage itinérant, somme toute assez classique. Des rencontres avec des acteurs des nouvelles technologies en Afrique ont été (plus ou moins) programmées et quelques sujets de reportages bien précis avaient une place dans nos agendas. Mais tout n'était pas prévu, loin de là.
Attention, en reportage classique, tout n'est heureusement pas prévu ; mais ici nous avions clairement demandé, et ce dès l'origine du projet, à d'autres gens de nous aiguiller. Pas de nous dire entièrement où aller, mais de nous faire part d'idées, de projets dont ils aimeraient que nous parlions, des noms de personnes qui selon eux valaient la peine d'être rencontrées.
Et ça a marché. En amont d'abord car nous avons pû publier quelques témoignages sur le blog avant même de partir. Et puis sur place aussi, car nous avons rencontré certaines des personnes qui nous avaient été conseillées ou qui avaient suivi le blog.
Ces rencontres ont fait l'objet d'articles sur le blog et nous ont aidé à comprendre les problématiques africaines des nouvelles technologies vues par leurs utilisateurs même et non pas en calquant la vision du reporter débarqué de France. Nombre de ces personnes ont fait l'objet de portraits sur le blog, certains se retrouvent même dans le webdocumentaire, jusqu'à en être, pour l'un d'eux, le personnage principal d'un chapitre.
Adaptation difficile, question de temps
Attention, tout cela ne veux pas dire que l'on s'improvise animateur de communauté d'un clin d'œil ou que l'on peut suivre aveuglément les conseils de ses lecteurs. Mis à part les évidentes questions d'angle qui font qu'on ne peut pas tout traiter ou que parfois les sujets ne valent pas le coup, il y a surtout la question de l'adaptation. Nous avons reçu beaucoup d'idées de sujets alors que nous étions déjà sur place. Certaines étaient très intéressantes mais il nous aurait fallu plusieurs jours rien que pour nous rendre sur place.
Bref, suivre les conseils des membres d'une communauté a été un secours important, et nous avons parfois trouvé au dernier moment des interlocuteurs qui nous permettait d'écrire de bons articles. Mais toute capacité d'adaptation a ses limites, surtout dans le temps imparti du reportage, qui est, c'est bien connu, toujours trop court.
Le besoin d'une vraie communauté
L'important est donc de mobiliser le lecteur avant de partir. Se garder une marge ensuite mais avoir déjà beaucoup d'idées en stocks (comme sur un reportage classique on y revient). Mais pour pouvoir mobiliser cette communauté avant d'avoir un contenu à lui proposer, il a fallu aller en chercher une qui existait déjà. Nous avons eu la chance de pouvoir utiliser les forums de l'Atelier des médias, et donc un public "branché médias et technologies" et contenant beaucoup d'Africains. La révolution numérique en Afrique de l'Ouest était le sujet idéal pour les aborder et les faire participer. Ce que je veux dire, c'est que là encore ça ne se fait pas tout seul et que je n'appliquerais pas forcément la recette à d'autres sujets.
L'audience semble suivre
Mais le résultat est là. Le blog a permis la discussion d'autant plus facilement qu'il était identifié comme un réel lieu de proposition et qu'il n'était pas uniquement là pour dire "j'aime/j'aime pas". En lui proposant des sujets qui l'intéresse, et en la faisant participer, il y avait de nombreuses chances d'arriver à faire venir l'audience sur le blog ainsi que sur le webdoc. Et au final, blog et webdocumentaire ont attiré beaucoup de lecteurs.