11 Novembre et "Repas des vieux"
La vie d'un petit village de campagne n'est pas sans intérêt. Bien sûr, pour un "jeune urbain", y passer toutes ses vacances peut s'avérer franchement ennuyeux (...mais non papa maman, j'étais content de venir avec vous...), mais il y a parfois des moments qui valent le coup d'être vus et donc racontés.
Le curé rouspette : "Moi j'étais à l'heure, vous auriez pu vous dépéchez un petit peu...". Il est 11h10 et la messe aurait dû commencer depuis 10 minutes déjà. Les habitants de Mézères, petit village de Haute-Loire ne se sont pas pressés pour arriver à l'heure, ils préfèrent discuter entre eux devant la petite église du village.
D'ailleurs le curé ferait bien de tenir sa langue face à ses irréductibles Gaulois (qui refusent depuis près de 10 ans l'annexion que représente à leur yeux l'intercommunalité). "Moi j'étais à l'heure..." rouspette le curé. Dans les rangs arrières des grands-mères maugréent: "Qu'est-ce qu'ils nous embête à sermonner!" A Mézères on n'aime pas trop les curés qui sermonnent.
Aujourd'hui c'est le 11 novembre. On fête donc les anciens combattants, la fin de la Première Guerre. A Mézères, on commémore cette événement célébré en République à l'église. Irréductibles je vous disais...
En réalité, la journée est plutôt l'occasion de rassembler cadres et figures du village. Le maire, les vieux, l'unique commerçante (une tenante de bar restaurant), des touristes "intégrés" (mes parents) et les quelques paysans qui sont restés.
Le repas des vieux
A Mézères, il ne reste plus d'anciens combattants (pas pour cette guerre en tout cas). Du coup le repas des anciens combattants s'est transformé en "repas des vieux". Comme il a plus de 65 ans, mon père y a droit et emmène ma mère avec lui.
Le "repas des vieux" c'est le lieu stratégique de l'année. Celui ou s'échangent les infos vitales de l'année à venir. Le maire annonce qu'il souhaite faire augmenter la population du village jusqu'à 150 (et au moins 3 fois plus de vaches). Il y a des chances qu'il y arrive, il y a eu de nouvelles installations cette année. Le ralliement de mes parents -qui après 35 ans de résidence secondaire dans le hameau l'ont élu résidence principale- les a définitivement intégrés. Et puis si il n'y a pas assez de gens il nous comptera sûrement moi et ma soeur...
"Un jour, j'ai bu 75 cl de Verveine à l'apéro!" revendique l'un des "vieux", pas un gringalet. "Tu devais être sacrément malade après" s'enquiert donc mon père, un brin abasourdi. "Non, non," répond le costaud "après mon frère m'avait fait boire quatre litres d'eau." Mon père ne répond pas, ouvre juste des yeux tous grands. On rigole bien au "repas des vieux". On y raconte ses histoires.
Des histoires de la guerre d'Algérie aussi. "Une fois j'ai failli prendre une balle dans la poitrine, c'est mon portefeuille qui a dévié la balle" explique l'un d'eux. Les histoires de ces hommes qui ont fait 26 mois là-bas sont impressionnantes, mais à vrai dire il vaut mieux parfois ne pas trop pousser l'investigation.